Entretien du Décentreur

avec Boubakar Traoré

Boubakar TRAORE, Président-Fondateur d’Afro-Médiation : « Les jeunes doivent être des catalyseurs des initiatives de développement »

A la tête du groupe Canadien Afro-Médiation, spécialisé dans la médiation commerciale, l’événementiel, la formation…, Boubakar TRAORE est de la race des managers toujours guidés par l’innovation et qui savent insuffler dynamisme, créativité et détermination à leurs collaborateurs. Pour lui, le succès est avant tout une question de perception de soi et de conviction personnelle. Il exhorte alors les jeunes Africains à se départir de l’afro pessimisme et à s’affirmer comme de véritables icônes de développement par leur sens des responsabilités et la culture du résultat. Pétri d’expériences, l’homme lève, à travers cette interview un coin du voile sur Afro-Médiation (www.afromediation.com ) et sur les ambitions qu’il nourrit pour l’Afrique.

Selon une sagesse chinoise, «le plus grand voyage commence par le premier pas». Comment est née l’idée d’Afro-Médiation ? Qu’est-ce qui vous a motivé à créer cette institution, basée au Canada ?

La naissance d’Afro-Médiation est l’inspiration d’une révolution idéologique dont l’objectif était d’encourager et de léguer une série de synergies et services créatifs aptes à satisfaire les besoins réels des générations actuelles sans compromettre ceux des générations à venir. La démystification de l’accès à la formation, le rapprochement des peuples et des cultures, la prise en compte et la maîtrise des techniques de résolution de conflits et d'apaisement des tensions sont au nombre des nombreuses motivations de sa création.

Pourquoi l’appellation « Afro-Médiation » ? Quelle est la philosophie qui se cache derrière ce nom ?

L’appellation Afro-Médiation est la suite logique de l’analyse des besoins fondamentaux conflictuels et professionnels de l’Afrique. Le Médiateur Africain doit œuvrer en faveur des organismes défavorisés par des systèmes de communication, des personnes aplaties par un manque ou une insuffisance d’information professionnelle. Il doit proposer des solutions aux problématiques liées à l’accès aux ressources novatrices et aider les collectivités professionnelles à acquérir des outils de travail grâce à des accords.

Quels sont vos secteurs d’intervention et que proposez-vous concrètement en termes de prestations à ceux qui vous font appel ?

Collectivement ou individuellement, au public comme au privé, nous apportons un service complet centré sur le soutien, l’assistance analytique et conceptuelle des entreprises, les échanges intra-communautaires et internationaux, les affaires juridiques et financières, les risques liés aux pratiques commerciales, les freins au développement des affaires sur les marchés africains ( méconnaissance de l’impact culturel sur les affaires, contraintes induites par l’éloignement et leurs répercussions sur la logistique,...)

Nous proposons à ceux qui nous font appel, des outils qui répondent à leurs attentes quel que soit la complexité de leur situation, cela, grâce à notre savoir-faire qui repose sur des organismes, des experts et des spécialistes qui n’ont pour soucis que le progrès.

Beaucoup de structures évoluent dans le même domaine que vous. Qu’est ce qui fait la spécificité d’Afro-Médiation ?

Nous avons certes des technologies communes avec d’autres structures mais en termes de particularité, Afro-Médiation a des terminologies et approches différentes grâce à sa connaissance réelle et à ses outils performants. C’est la base de notre succès. Il existe une différence entre la réputation et le mérite. La première est basée sur ce que les autres pensent de vous tandis que le second est fondé sur vos propres actions, connaissances, comportement et réalités.

Vous intervenez à travers le monde entier. Comment vos différentes équipes sont-elles managées ?

L’évolution technologique et le partage idéologique sont deux éléments importants dans cette gestion. Tout est une question de coordination et de motivation. Nous considérons Afro-Médiation comme un petit pays. L’institution est donc administrée comme un pays. Nous avons des coordonnateurs et délégués à travers le monde à l’image des missions diplomatiques accréditées par le gouvernement. Afro-Médiation comme gouvernement s’engage à fournir le support et les outils nécessaires visant à assurer au mieux le développement. La responsabilité incombe à chaque collaborateur de veiller à ce que toutes ses responsabilités soient traduites par un environnement de travail capable de soutenir nos objectifs.

Parlez-nous justement de vos nombreux experts. Quel est leur profil ?

Afin de répondre favorablement aux besoins de notre public et accomplir humblement notre mission, nous sommes très sélectifs dans le choix des experts et organismes. Ils doivent disposer de connaissances internationales et d’éléments clés répondant aux exigences de la compétitivité internationale. Ils doivent être capables d’assurer le développement et le succès des entreprises conformément à nos valeurs fondatrices: l'engagement, l'intégrité, la diversité, l'humilité et le savoir. Leur travail doit prioriser la bienveillance, l’écoute et le suivi.

Quelles sont les plus grandes réussites d’Afro-Médiation en termes de médiation ?

A l’étape actuelle, nous avons un palmarès bien étoffé. Mais nous ne voulons pas nous-mêmes nous jeter des fleurs. Nous préférons laisser les autres apprécier. Toutefois, nous sommes très heureux de la validité de notre projet. Nous sommes également honorés de notre contribution à plusieurs évènements, des soutiens mais surtout de l’attention particulière portée à notre institution.

A votre avis, quelles doivent être les qualités d’un bon médiateur ?

Dans sa forme logique, le médiateur doit être neutre, loyal, indépendant impartial et attentif à la sensibilité de chacune des parties. Sa mission est d'amener les parties, à rechercher les bases d'un accord acceptable et durable sur le plan culturel, confessionnel, éthique et politique. Sur le plan professionnel, il se veut une alternative d’assistance efficace interprofessionnelle qui permet de gagner du temps et d’éviter les conséquences financières d’un procès. Il doit alors cibler les bonnes personnes, organismes ou experts et mettre les dispositions nécessaires en œuvre pour des résultats positifs.

Quelle est la part de responsabilité des antagonistes dans un processus de médiation ? Certains versent parfois dans l’extrémisme…

La souplesse et la compréhension doivent être les maîtres mots des parties. Elles doivent surtout éviter d’avoir de l’a priori. Il faut savoir prendre en compte les revendications des autres quel que soit le pouvoir qu’on croit détenir. Il n’y aura jamais de paix durable, de monde juste, prospère, apaisé et démocratique si certains imposent toujours aux autres leurs systèmes, modèles ou pensées.

Aujourd’hui, de nombreux pays sont en conflit. Pendant que les médiateurs essaient de concilier les positions, beaucoup de personnes perdent la vie. D’aucuns reprochent alors à la médiation d’être passive. Devant certaines situations, ne vaudrait-il pas mieux user de méthodes plus coercitives que la classique médiation ?

La médiation, qu'elle soit judiciaire, professionnelle ou conventionnelle, est un processus structuré reposant sur la responsabilité et l'autonomie des participants. Dans certains cas conflictuels, une décision contraignante peut être nécessaire afin d’éviter des pertes en vies humaines et donner une pérennité à la paix. La prise en compte des médiateurs locaux de façon préventive peut également aboutir à des solutions curatives. Nous pensons particulièrement aux leaders d’opinions au niveau local (autorités administratives, religieuses, coutumières). Le savoir local et ancestral africain doit être absolument valorisé car il regorge de richesses insoupçonnées.

Comment appréciez-vous la situation actuelle de l’Afrique 50 ans après les indépendances ?

Sans hypocrisie, le bilan reste pratiquement le même. L’insuffisance et l’incompétence ont d’ailleurs été démontrées à travers des célébrations marquant ce cinquantenaire couronné par de fastueuses festivités. Je m’attendais beaucoup plus à une période de bilan et de réflexion sur tout ce qui avait été ensemencé durant les cinquante années. Cette introspection aurait permis de préparer ensemble les moissons du futur. Je ne pense pas que cinquante ans de torture, de méchanceté, de guerre, de corruption, de confiscation de pouvoir, de rébellion et d’injustice, sanctionnés par des festivités puissent être l’occasion d’affronter un futur meilleur. La construction d’une seule clinique ou d’une université baptisée « le Cinquantenaire» pour toute l’Afrique aurait été à mes yeux un geste de succès et une preuve pour le centenaire prochain.

Peut-on alors parler d’un échec des politiques de développement ?

Peut-être non, mais pas réussite non plus. Cette réponse peut déranger ceux qui se saignent pour un développement durable du continent Africain. Malheureusement, c’est la triste réalité.

Quelles devraient alors être les priorités de l’Afrique dans les décennies à venir quand on sait que la géopolitique mondiale est de plus en plus rude ?

Je ne pense pas que des réponses définitives ou complètes puissent être apportées à cette question, au stade actuel. Je préfère me contenter d’emprunter des techniques basées sur un futur possible à partir de l’évolution plutôt que de me livrer à un exercice de prospective africaine pour anticiper des changements. Je pense qu’il faudrait énormément investir dans des formations innovantes et la scolarisation pour tous. L’Afrique en a les moyens. L’avenir doit se construire dès maintenant.

Vous êtes aujourd’hui un exemple pour de nombreux jeunes africains. Toute réussite ayant une histoire, quelle est la vôtre ? Il vous a fallu certainement une vision et une grande détermination pour parvenir où vous êtes actuellement. Parlez-nous de votre parcours.

Si réussite il y a, je la dois à mon parcours audacieux, mes intérêts pour la formation, même si beaucoup reste à faire. Un sage Africain disait: « un vieillard qui a fait 100 ans dans un village et un autre 100 village en 100 ans ne pourraient avoir les mêmes expériences. » Chaque étape de la vie, chaque jour qui se lève, et chaque situation qui se présente à nous devraient donner lieu à un apprentissage et une expérience à partager.

Lorsque vous faites une évaluation, êtes-vous, tout de même, plutôt satisfait du chemin parcouru ?

Je suis non seulement satisfait mais aussi fier de notre culture d’entreprise. Sans prétendre avoir en main une baguette magique, nous sommes parvenus à faire de notre structure une force de propositions et de solutions qui nous amènent vers des conclusions concrètes axées sur les besoins réels, la confiance, les innovations, les nouvelles tendances, les contacts professionnels et même ancestraux à travers des technologies qui correspondent aux attentes de notre public. Nous travaillons afin de bâtir et développer une entreprise inspirante. Malgré la fierté qui se manifeste à travers les adhésions, intérêts et confiance qui nous sont exprimés, le renforcement de la compétence et l’évaluation objective de chaque professionnel restent notre priorité.

Vous êtes un homme d’idées et de projets. Vos perspectives.

Nous voulons agir pour un devenir commun et meilleur afin que l’Afrique occupe toute sa place dans le contexte politique, économique, social et culturel actuel. Nous voulons mettre un terme au pessimisme et aux attitudes compassionnelles. Nous travaillons à valoriser nos compétences, les ressources naturelles, agricoles et culturelles de l’Afrique. La communication et le partenariat institutionnel sont des éléments fondamentaux dans toute stratégie de développement. Nous allons davantage œuvrer à favoriser les échanges culturels et les réformes structurelles.

Selon vous, quelles sont les principales qualités que les jeunes devraient rechercher pour participer efficacement au développement de leur pays ?

Les jeunes doivent cultiver l’esprit d’entreprise et surtout l’estime de soi. Ils doivent être de puissants leviers, des catalyseurs des initiatives de développement. En la matière, le GERSTIC constitue une belle preuve.

Que pensez-vous justement d’une initiative comme celle du Groupe d’Études et de Recherches en Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication (GERSTIC), structure créée au Burkina Faso et animée par de jeunes chercheurs associés ?

Le GERSTIC vient de poser la pierre angulaire d’une structure aux initiatives salutaires dans un continent qui se trouve à la croisée des chemins et qui se demande quelle voie il lui faut emprunter. À mes yeux, c’est un signal de développement respectueux pour démontrer la détermination, mais aussi déjouer l’échec. Toutes mes félicitations à cette initiative pour un futur qui n’est pas encore écrit, et qui ne s’écrira que par vous. Je vous exhorte à cultiver la patience et à vous armer de courage pour contribuer au développement de votre pays et de l’Afrique par les technologies de l’information et de la communication.

Quel est le message particulier qui vous tient à cœur pour clore cet entretien ?

Je souhaite que toutes les filles et tous les fils du continent prennent conscience de la place que la pauvreté et la famine occupent. Même si le pragmatisme et l’improvisation sont des conditions primordiales, il est important de savoir que les compétences sont des facteurs utiles. J’encourage la jeunesse à persévérer au travail dans la discipline librement consentie. C’est seulement à ce prix que nous démontrerons notre vraie dignité, que nous affirmerons notre légitimité. Les critiques stériles à longueur de journées ne servent à rien. Elles n’empêcheront pas le soleil de continuer sa course. Il faut donc canaliser ses énergies vers des choses utiles. C’est le lieu pour moi de saluer les efforts de toute l’équipe d’Afro-Médiation qui veille à présenter un travail de façon concise. Merci enfin au GERSTIC pour cette opportunité.

Interview réalisée par
Arsène Flavien BATIONO